Comment détruire une ville sans bombes
S’il y a bien un sujet sur lequel les économistes sont d’accord, c’est sur les effets néfastes des politiques de contrôle des loyers.
« Dans de nombreux cas, disait l’économiste suédois Assar Lindbeck, le contrôle des loyers semble être la technique la plus efficace actuellement connue pour détruire une ville — à l’exception des bombardements ».
Il se trouve que ce n’est pas, parmi les économistes, une position très originale : en 1990, par exemple, une enquête1 menée auprès de 464 économistes aux États-Unis révélait que 93% d’entre eux étaient d’accord avec l’affirmation selon laquelle « un plafond sur les loyers réduit la quantité et la qualité des logements disponibles » — 76% des économistes interrogés souscrivaient à cette proposition sans aucune réserve et, des 40 questions posées lors de cette enquête, c’était celle qui faisait l’objet du consensus le plus large.
Plus en détail, un papier2 publié en début d’année nous propose une revue de la littérature (169 études empiriques de 1967 à 2023) et trouve que les politiques de contrôle des loyers :
Permettent de limiter la hausse des loyers plafonnés (53 études sur 60) mais tendent à faire augmenter les autres loyers (14/17) ;
Réduisent la mobilité résidentielle (25/26) et favorisent une mauvaise allocation des logements (13/13) ;
Réduisent l’offre de logements proposés à la location (12/16) et la construction de logement neufs (11/16) ;
Détériorent la qualité moyenne des logements (15/20) ;
Augmentent le taux de propriétaires-occupants (13/22).
Graphiquement :
C’est-à-dire que le contrôle des loyers produit assez précisément ce que n’importe quel manuel d’économie pour étudiants en première année aurait prédit. Combinez ça avec la multiplication de normes coûteuses (la rénovation énergétique des logements, par exemple), une fiscalité élevée et des règlements d’urbanisme qui bloquent la construction de logements neufs et vous obtenez une catastrophe immobilière dont les principales victimes seront les plus modestes d’entre nous.
On le sait. Les effets délétères des politiques de contrôle des loyers font l’objet d’un consensus très large depuis des décennies et pourtant, nos élus continuent imperturbablement à mettre en œuvre ce type de politiques et, lorsque les effets attendus se manifestement, à nier que leurs politiques en sont la cause.
Ce constat rejoint celui que faisait Philippe Silberzahn l’année dernière lorsqu’il notait que l’État est devenu un facteur d’incertitude. Nos lois sont votées sans la moindre étude d’impact, sans que personne ne juge utile d’évaluer leurs effets à posteriori et par des élus qui semblent ne s’intéresser qu’à des effets d’affichage politique à très court terme.
Photo de Jade Koroliuk.
R. Alston et al., Is There a Consensus Among Economists in the 1990’s? (1992).
Si tu veux continuer sur le sujet, interesse toi oux lois Royer-Raffarin qui imposaient une demande d'autorisation d'implantation pour toute surface de vente de plus de 300m2, et qui sous couvert de proteger les commerçes de centre-ville en ont précipité la fin (et je ne parle pas de la corruption que cela engendra)