Paris n’est pas Manhattan et ça n’est pas grave
La grande force du bâti haussmannien, c’est qu’il est extrêmement dense tout en restant agréable à vivre.
Ci-dessus, une photo aérienne des quatre blocs situés à l’intersection des rue Eugène Sue et Simart dans le 18e arrondissement de Paris.
Au total, en comptant sa quote-part des rues qui l’entourent (Ordener, Clignancourt, Marcadet et Flocon), cet ensemble de quatre blocs occupe une surface de l’ordre de 35'000 m². Là-dessus, les blocs proprement dits (en soustrayant l’emprise des rues) occupent environ 25'200 m² dont 5'300 m² de cours intérieures de toutes tailles ; soit une emprise du bâti proprement dit de l’ordre de 19'900 m² ou 56.9% des 35'000 m² de surface totale.
Tous ces immeubles disposent de 7 étages (un rez-de-chaussée, cinq vrais étages et un dernier sous les toits) ce qui nous donne une surface de plancher totale d’environ 139'300 m². Avec une moyenne parisienne de 35 m² par personne (partie communes incluses) et en supposant que tout l’espace disponible est consacré au logement, on peut donc facilement loger 3'980 parisiens dans ces quatre blocs (à l’origine, ils avaient été conçus pour 10’000 habitants).
Or voilà : 3'980 personnes sur 0.035 km², ça donne une densité absolument spectaculaire de plus de 100'000 habitants au km².
Évidemment, vous ne pouvez pas construire une ville comme ça. Il faudra bien prévoir des espaces dégagés (parcs, jardins, places…) et des locaux d’activités (bureaux, commerces, loisirs, bâtiments publics…) pour que l’ensemble soit vivable. Ce que cet exemple extrême illustre, c’est que le bâti de type haussmannien peut être extraordinairement dense et ce, tout en restant agréable à vivre. Pour mémoire : les deux communes les plus denses de France sont Levallois-Perret (27'908 h/km²) et Vincennes (26'019 h/km²) — Manhattan, quartier le plus de dense de la ville la plus dense des États-Unis, c’est un peu moins de 28'700 h/km².
La grande force du bâti haussmannien, c’est surtout sa capacité à exploiter les parcelles dans la profondeur. J’estimais plus haut l’emprise du bâti de nos quatre blocs à presque 57% de la surface totale qu’ils occupent : c’est absolument énorme et, à l’exception de feu la citadelle de Kowloon, je ne suis pas certain qu’on ait déjà fait beaucoup plus dense que ça en termes d’occupation du sol. Ce qui rend ce petit miracle possible, ce sont les cours intérieures et autres puits d’aération : sans elles, il faudrait tracer des rues au milieu des blocs pour permettre à ceux qui vivent au centre des parcelles de voir la lumière du soleil ou, au moins, d’aérer leurs appartements.
Bref, à plus de 20'000 h/km², Paris est déjà extrêmement dense et on n’ira sans doute pas beaucoup plus loin à moins de dégrader la qualité de vie des parisiens et au risque de se heurter au mur de la mobilité (le métro est régulièrement saturé et le RER, notamment la ligne A, est déjà au maximum de ce qu’on sait faire en termes de débit). Il y a trop d’activité à Paris, il faut décentraliser.
Celles et ceux que ça amusent trouveront quelques données de l’Apur sur l’occupation des sols parisiens ici.