L’archipel marseillais
En termes de mobilité, Marseille ressemble plus à un archipel d’îlots isolés du reste du monde qu’à une grande métropole.
Je vous propose ci-dessous une rapide comparaison des flux domicile-travail entre Paris, Lyon et Marseille. Pour ce faire, je vais utiliser les données de l’Insee pour 20191. Ce qui m’intéresse, c’est la mobilité interne (i.e. le volume de déplacements de résidents à l’intérieur de leur commune) et la mobilité externe (i.e. le volume de gens qui changent de commune pour aller travailler). Je vais utiliser la notion de ratio d’attractivité (que je pense avoir inventé, du moins sous ce nom) : c’est le nombre de non-résidents qui travaillent dans la commune divisé par le nombre de résidents qui travaillent dans une autre commune.
Voilà ce que ça donne :
À Paris, l’Insee identifie 1'077'901 résidents qui travaillent (soit 50.2% de la population totale). Là-dessus, 33.1% vivent et travaillent dans le même arrondissement, 35.6% travaillent dans un autre arrondissement et 31.3% travaillent à l’extérieur de Paris. Par ailleurs, l’Insee dénombre 1'844'139 emplois localisés dans la commune (21’826 emplois par km² urbanisé2) dont 59.8% sont occupés par des non-résidents ; soit un ratio d’attractivité de 3.3.
À Lyon, l’Insee identifie 237’960 résidents qui travaillent (soit 45.6% de la population totale). Là-dessus, 32.5% vivent et travaillent dans le même arrondissement, 30.1% travaillent dans un autre arrondissement et 37.4% travaillent à l’extérieur de Lyon. Par ailleurs, l’Insee dénombre 332’603 emplois localisés dans la commune (7’655 emplois par km² urbanisé3) dont 55.2% sont occupés par des non-résidents ; soit un ratio d’attractivité de 2.1.
À Marseille, l’Insee identifie 309’541 résidents qui travaillent (soit 35.6% de la population totale). Là-dessus, 49.4% vivent et travaillent dans le même arrondissement, 35% travaillent dans un autre arrondissement et 15.6% travaillent à l’extérieur de Marseille. Par ailleurs, l’Insee dénombre 348’318 emplois localisés dans la commune (2’313 emplois par km² urbanisé4) dont 25% sont occupés par des non-résidents ; soit un ratio d’attractivité de 1.8.
Je trouve ces données à la fois fascinantes (notamment parce qu’elles n’ont absolument rien de surprenant) et affreusement déprimantes en ce qui concerne Marseille. Clairement : les flux de la cité phocéenne se caractérisent non seulement par une mobilité externe anormalement faible mais aussi des flux internes très en deçà de ce qu’on observe à Paris ou à Lyon.
Évidemment, la géographie marseillaise joue un rôle : des trois, c’est de très loin la commune qui offre la surface urbaine la plus grande (voir notes 2 à 4) et donc, dont les 16 arrondissements, bien que de tailles très inégales, sont en moyenne les plus spacieux et c’est aussi une ville côtière, coincée entre la Méditerranée et des massifs montagneux qui limitent les solutions d’entrée et de sortie. Dont acte. Reste que la comparaison avec Paris et Lyon montre clairement qu’il y a un problème.
En termes de mobilité externe, seuls 15.6% des Marseillais travaillent dans une autre commune contre 31.3% et 37.4% à Paris et à Lyon respectivement. Symétriquement, seul un quart des emplois localisés à Marseille sont occupés par des gens venus d’ailleurs contre 59.8% à Paris et 55.2% à Lyon. Bref, en termes de flux intercommunaux, Marseille est manifestement deux fois moins accessible que les deux autres ; problème régulièrement évoqué, notamment, par les entreprises du Nord de la ville qui peinent à recruter à cause de ça.
Pour ce qui est de la mobilité interne, c’est le même constat : 49.4% des Marseillais vivent et travaillent dans le même arrondissement contre, en gros, un tiers à Paris ou à Lyon. C’est bien sûr directement lié avec l’état des transports en commun en site propre (pour mémoire : deux lignes de métro et trois lignes de tram pour un total d’à peine 38.2 km) qui font de Marseille une des villes les plus notoirement embouteillées de France.
Et tout le reste découle de là : une densité d’emploi très en deçà de ce qu’on pourrait attendre d’une grande ville, un taux d’emploi effroyablement bas et, bien sûr, des niveaux de vie très faibles ; le revenu disponible médian par arrondissement de Marseille5 varie entre 13’280 euros (3e) et 26’550 euros (dans le 8e) ; à Lyon la fourchette est de 20’570 euros (8e) à 31’610 euros (6e) et à Paris, on est entre 21’990 euros (19e) et 44’110 euros (7e).
On a aussi celles de 2020 mais je ne les ai pas utilisées pour cause de Covid.
J’utilise la surface émergée hors bois (de Vincennes et de Boulogne) — soit 84.5 km².
J’utilise la surface émergée hors parc de la Tête-d’Or — soit 43.5 km².
J’ai exclu environ 90 km² d’espaces naturels protégés (principalement la part marseillaise du Parc national des Calanques) — soit 150,6 km².
Données annuelles, par unité de consommation, en 2020 et d’après l’Insee.