Bienvenu dans le monde des métropoles
Les grandes villes sont d’autant plus productives qu’elles sont denses et qu’on y circule rapidement.
Le propre d’une ville, c’est d’être une zone dense au sens où un nombre important d’individus vivent dans un espace restreint. Notez que par « ville », il ne faut pas entendre « commune » — qui n’est qu’un découpage administratif — mais, plutôt, ce que les statisticiens appellent une « zone urbaine fonctionnelle » ; c’est-à-dire la région de l’espace dans laquelle vous habitez et travaillez. La distinction n’a rien d’anecdotique : deux Français sur trois travaillent dans une commune différente de celle où ils habitent et les 2.2 millions de parisiens ne représentent qu’une fraction des 12.5 millions d’habitant de la zone urbaine fonctionnelle de Paris (c’est à peu près la population de l’Île-de-France).
Historiquement, les villes sont apparues pour tout un tas de raisons (commerciales, défensives, politiques, religieuses etc…) mais le fait est que ces concentrations humaines ont eu un effet aussi remarquable que sans doute inattendu : elles sont devenues de grands marchés, idéales pour développer des industries et, encore plus, des services. De fait, ce qui pousse la plupart des gens à vivre en ville et les entreprises à s’y installer, ce n’est pas un instinct grégaire ni un attrait particulier pour le béton mais deux raisons tout à fait rationnelles.
D’abord, il est en principe évident que plus une entreprise a besoin d’une main d’œuvre spécialisée (et donc, en général, à forte valeur ajoutée), plus elle a matériellement intérêt à s’installer dans un grand centre urbain. Si, par exemple, vous avez besoin d’un expert en réseaux neuronaux qui a, par ailleurs, une bonne connaissance de l’immobilier ce n’est sans doute pas dans un village de 1'000 habitants que vous trouverez cette perle rare (et si vous avez la chance d’en trouver une, vous n’aurez sans doute pas le choix). C’est pour ça que ce type d’entreprises s’installe typiquement dans les grands pôles urbains et c’est ce qui fait que c’est aussi là que l’expert susmentionné valorisera le mieux ses compétences (i.e. maximisera sa rémunération).
Ensuite, il se trouve que la quantité de richesse qu’est susceptible de créer un marché croît plus vite que sa population. Supposez, par exemple, que vous ayez en tête d’ouvrir un restaurant spécialisé dans la gastronomie Indienne : dans un village de 1'000 âmes, vous n’avez pratiquement aucune chance d’attirer suffisamment de clients pour absorber vos coûts fixes mais dans une ville d’un million d’habitants, vous devriez vous en sortir sans difficulté. C’est aussi ça qui fait l’attrait des grandes villes : au-delà du restaurant indien, c’est aussi des musées, des cinémas, des théâtres, des libraires spécialisés, des services publics à deux pas de chez vous et j’en passe.
Voilà pourquoi, d’une façon générale, les villes sont plus productives que les campagnes et elles sont d’autant plus productives qu’elles maximisent le nombre d’entreprises et de gens qui peuvent s’y rencontrer physiquement avec un budget-temps de transport maximal d’une heure (aller simple) et idéal d’une demi-heure (constante de Marchetti). C’est-à-dire que la productivité d’une ville résulte d’une combinaison de densité urbaine et de vitesse de déplacement.
De fait, si vous cherchez des salaires supérieurs à la moyenne en France, vous les trouverez surtout à Paris et autour (notamment les zones desservies par le RER A) mais aussi, bien que dans une moindre mesure, à Lyon et à Toulouse. La ville rose est d’ailleurs un peu particulière en ce sens qu’elle n’est ni dense ni bien dotée en transports en commun mais c’est une des communes françaises dans lesquelles on circule le plus vite en voiture. La grande absente, bien sûr, c’est Marseille mais ça n’a rien de surprenant : non seulement la cité phocéenne est très peu dense mais elle est aussi notoirement congestionnée et sous-équipée en transports en commun (entendez « transports en commun en site propre » c’est-à-dire, en gros, tram et métro).
S’il est une tendance de fond qui ne fait aucun doute c’est l’urbanisation croissante de nos civilisations. C’est déjà largement le cas aujourd’hui, notamment dans le monde dit développé, mais on sait que la tendance va se poursuivre : l’économie de demain se fera dans les villes et, en particulier, celles qui parviendront à atteindre une taille critique (en nombre d’emplois, pas forcément d’habitants) suffisante pour peser dans le jeu mondial. Autrement dit, ce monde qui émerge sous nos yeux ne se pense pas comme un patchwork d’aire nationales mais comme un réseau de métropoles et vous connaissez désormais les conditions d’accès à ce réseau.