Accélérer la ligne 1
Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, la ligne 1 du métro de Paris est déjà pratiquement au maximum de ce qu’elle peut offrir.
La ligne 1 du métro de Paris c’est 25 stations sur 16.5 km et un temps de parcours total, des terminus La Défense à Château de Vincennes, de 36 minutes. Ça nous donne donc une vitesse commerciale — c’est-à-dire en tenant compte des 23 arrêts intermédiaires — de 27.5 km/h. C’est peu, bien sûr, mais si vous comparez ça à la vitesse moyenne d’une voiture dans Paris aux heures de pointe (19 km/h selon le TomTom Traffic Index en 2022), ça reste nettement mieux.
De là, faute de données officielles, essayons d’estimer la vitesse de croisière moyenne d’une rame — moyenne parce qu’il y a quelques virages, notamment celui de la gare de Lyon, qui impliquent sans doute de ralentir.
Pour faire ça, il nous faut tenir compte des 23 temps d’arrêts en station : mettons 20 secondes pour les stations simples et 30 pour celles qui offrent des interconnexions ; ça fait 24 secondes par station en moyenne. Et bien sûr, il faut aussi intégrer 24 phases d’accélération et 24 phases de décélération. On a donc besoin d’une hypothèse de variation de la vitesse (en mètres/seconde) par seconde (et donc en mètres/seconde²).
En général, dans un métro, on utilise 1 m/s² c’est-à-dire que la rame accélère ou décélère de 1 m/s toutes les secondes ; pour atteindre 12.5 m/s (45 km/h), il vous faut donc 12.5 secondes. Pour information : 1 m/s² c’est très raisonnable. C’est l’hypothèse de base que vous trouverez un peu partout, notamment sur les systèmes ferrés, même si avec des pneus on trouve jusqu’à 1.3 m/s². L’idée c’est de faire en sorte que vous ne vous cassiez pas la figure (normalement on tient aussi compte du jerk, c’est-à-dire de la variation de l’accélération dans le temps, mais laissons ça de côté).
Évidemment, lorsque vous accélérez ou freinez, vous continuez à grapiller des mètres ; en l’occurrence, avec v pour la vitesse (en m/s) et a pour l’accélération (en m/s²), vous parcourez (en m) :
Pour atteindre une vitesse de croisière de 12.5 m/s avec une accélération de 1 m/s², ça nous fait donc 78.13 mètres. Sur la ligne 1, ça nous ferait donc un total de 3’750 m en phase d’accélération/décélération parcourus en 600 secondes et donc, 12'750 m à 12.5 m/s (la vitesse de croisière) parcourus en 1’020 secondes. Rajoutez 543 secondes à quai pour les 23 arrêts intermédiaires et vous obtenez un total de 2'163 secondes soit 36 minutes et 3 secondes. On a donc bien une vitesse de croisière moyenne de 45 km/h pour la ligne 1.
Supposez maintenant qu’on souhaite accélérer. Par exemple, entre Champs Élysée – Clémenceau et La Défense, c’est une grande ligne droite et donc on devrait pouvoir largement dépasser les 45 km/h. Par exemple, avec le matériel roulant prévu pour le Grand Paris Express, on a manifestement des rames capables d’atteindre les 30 m/s (108 km/h) pourvu que la ligne le permette.
Sauf que ça n’est pas possible pour une raison toute simple : avec une accélération de 1 m/s², vous avez besoin de 450 mètres pour monter à 30 m/s et de 450 mètres pour arrêter votre rame à la station suivante. Or voilà : 16.5 km de ligne avec 25 stations, ça fait une interstation moyenne de 688 mètres alors qu’il vous faut au minimum 900 mètres.
C’est-à-dire qu’en théorie, la vitesse instantanée maximale que peut atteindre une rame de métro entre deux stations séparées de 688 mètres c’est 26.22 m/s (94.4 km/h). Et encore, on parle bien d’une vitesse instantanée qui ne sera atteinte qu’une fraction de seconde. Concrètement : vous allez accélérer pendant 26.22 secondes puis, immédiatement, décélérer pendant 26.22 secondes ; vous allez donc mettre 52.44 secondes pour parcourir vos 688 mètres — ce qui nous donne une vitesse moyenne sur ce segment d’à peine 47.2 km/h.
Et le pire, dans tout ça, c’est qu’en supposant que toutes les stations sont équidistantes (ce n’est pas le cas mais admettons), vous mettrez quand même 30 minutes et 11 secondes de terminus à terminus. Autrement dit : en passant de 45 à 94.4 km/h (x 2.1), on ne gagne qu’environ 6 minutes par rapport au 36 minutes actuelles (-16.2%). La sécurité de vos voyageurs vous interdit d’aller plus loin (sauf si une accélération de 1.3 m/s² est acceptable ; auquel cas on peut rouler à 107.6 km/h et le temps de parcours de la ligne passe à 27 minutes et 36 secondes).
Bref, dans sa forme actuelle et avec un mode d’exploitation omnibus (on s’arrête à toutes les stations), la ligne 1 du métro de Paris est pratiquement à la limite de ce qu’il est théoriquement possible de faire. Il serait sans doute possible de grapiller quelques minutes supplémentaires mais ça impliquerait, vous l’avez compris, une augmentation spectaculaire de la consommation énergétique.
Crédit photo : Valentin Beauvais.