À Paris, un logement sur cinq est inoccupé
C’est vrai mais ça ne signifie pas du tout ce que vous pourriez penser au premier abord.
L’étude de l’Apur, sur laquelle est basé ce constat, est ici. Je vous en propose un résumé assorti de quelques commentaires ci-dessous.
En 2020, on recensait 1’393'800 logements à Paris. Là-dessus, 1'131'600 logements (81.2%) sont des résidences principales et donc considérées comme « occupées » (par leurs propriétaires ou des locataires). Il nous reste donc 262'200 logements (18.8%) qui ne tombent pas dans la catégorie précédente et qui sont dès lors réputés « inoccupés » — ce qui mérite clairement quelques explications parce que même du point de vue d’un investisseur qui spéculerait sur une hausse du prix de son bien parisien, ne pas le louer en attendant est parfaitement stupide.
D’abord, il y a 128'000 logements vacants (9.2%) c’est-à-dire qu’ils ne sont ni habités par leur propriétaire (même pas ponctuellement) ni loués au moment où la photo du marché est prise. Pour l’essentiel, ce sont des logements qui sont tout simplement proposés à la vente ou à la location ou, typiquement, des logements dans lesquels le propriétaire fait des travaux avant d’emménager ou de louer. Il se trouve qu’environ 9% de logement vacants, ça n’a rien d’extraordinaire : vous trouverez (page 21) une comparaison avec 21 autres grandes villes françaises et constaterez que Paris est juste dans la moyenne. Bref, pour l’essentiel, ça correspond à un taux de vacance « frictionnel » qui est tout simplement lié au fait que les déménagements créent des périodes d’inoccupation. On n’y peut rien, c’est comme ça.
Le cas limite, c’est quand la vacance se prolonge longtemps — mettons (comme l’Apur) plus de 2 ans. Il se trouve que ça ne concerne que 18'600 logements soit 1.3% du parc total (voir page 41). En l’occurrence, ce sont principalement des petites surfaces sans confort (genre WC et douche sur le palier) dont un bon nombre sont sans doute considérées comme insalubres et donc légalement inlouables.
Deuxième grande catégorie : les 134'000 résidences secondaires et autres logements occasionnels (9.6%) qui ne sont pas à proprement parler « inoccupés » mais, plutôt, occupés à temps partiel. Là, Paris se distingue parmi les autres grandes villes françaises (la seule ville à en avoir plus c’est Nice avec 13.7%) et c’est un phénomène en forte croissance depuis 1954 — à l’époque, il n’y en avait que 1.1% (page 15).
Là-dedans, on compte 47'500 logements occasionnels (3.4%) qui sont utilisés pour des motifs essentiellement professionnels. Typiquement : vous habitez à Lyon mais votre travail vous impose une présence régulière à Paris. Notez que ça concerne beaucoup de Franciliens ce qui, encore une fois, souligne l’imbrication des problématiques de logement et de mobilité du quotidien, notamment à l’échelle métropolitaine. Vous me direz que ces gens-là n’ont qu’à déménager à Paris mais encore faut-il en avoir les moyens, prendre en compte le travail du conjoint et, accessoirement, ça ne fera que densifier un peu plus la capitale. Autrement dit, et j’y reviendrai plus loin, le vrai sujet c’est plutôt l’hyper-concentration de l’activité économique en général et des bons jobs en particulier dans notre capitale politique.
Le reste, ce sont 86'500 résidences secondaires (6.2%) qui appartiennent à des gens qui ont les moyens de posséder/louer un pied-à-terre parisien (en général, dans les beaux quartiers) en plus de leur résidence principale. Clairement : nous avons principalement affaire à des ex-parisiens, retraités très aisés, qui ont décidé de passer leur retraite ailleurs en France ou à l’étranger tout en conservant leur appartement dans la capitale. Il y a sans doute un tas de raisons de faire ce choix mais j’ai tendance à penser que la volonté de conserver un logement proche de là où leurs enfants travaillent est une des principales. Ça arrive aussi parce qu’ils le peuvent : au-delà des gros patrimoines, il y a aussi le cas des vieux locataires protégés qui louent des appartements familiaux pour moins cher que ce que leur coûterait un studio.
Je ne m’étendrai outre mesure sur les fameuses locations meublées touristiques, notamment via les plateformes (Airbnb etc.), parce qu’elles ne forment pas une catégorie au sens de l’Insee. On notera simplement que ça concernerait quelque chose comme 6% des logements parisiens et qu’il y a de bonnes raisons de penser que l’essentiel de ces locations sont parfaitement légales. C’est-à-dire que nous parlons principalement de parisiens qui louent leur résidence principale dans la limite de 120 jours par an. Il y a de la triche, c’est certain : le chiffre de 25'000 logements (1.8%) circule. Il se trouve, chers lecteurs, qu’en plus d’être notre capitale politique et économique, Paris est aussi une des villes les plus touristiques du monde et que ces touristes, il faut bien les loger quelque part. Il va de soi que cette capacité d’accueil touristique ne peut exister qu’aux dépens des habitants. Il y a peut-être des solutions mais il est certain que l’organisation de JO à Paris, par exemple, n’en fait pas partie.
Bref, la « reconquête », forcément partielle, des logements inoccupés n’a pratiquement aucune chance d’avoir un effet significatif sur les problèmes de logement parisiens. La seule stratégie qui aurait, sauf erreur de ma part, un vrai potentiel consisterait à autoriser les propriétaires de résidences secondaires et autres logements occasionnels à les louer sur le marché destiné aux touristes. Pour le reste, Paris est la capitale politique et économique d’un pays notoirement centralisé et interventionniste et se trouve, par ailleurs, être une destination touristique majeure.
J’ai longtemps cru que bâtir plus haut permettrait de relâcher la pression mais j’avais tort : le bâti haussmannien est une merveille de densité (parce qu’il permet d’exploiter les parcelles en profondeur). Le Grand Paris Express, en combinaison avec les moyens existants, est clairement une solution intelligente mais le fait est qu’elle est déjà dans les prix… et que ces derniers sont toujours affreusement élevés. La seule solution vraiment structurante consiste à faire comme la plupart de nos voisins : décentraliser. Notre activité économique est trop concentrée à Paris et dans la petite couronne, point barre !